Rencontre avec Douglas Kennedy pour la sortie de Cinq jours aux éditions Pocket avec Elle.fr

Mercredi 1er octobre, j’étais conviée à un petit-déjeuner avec Douglas Kennedy et de chanceuses lectrices ayant gagné leur place à un concours organisé par le magazine Elle.fr et les éditions Pocket.
C’était en effet l’occasion de célébrer la réédition au format poche du dernier roman de l’auteur, Cinq jours, chez Pocket (en librairies dès aujourd’hui, jeudi 2 octobre). Retour sur cette rencontre passionnante avec un auteur d’exception…

Au regard des nombreux romans qu’il a publié jusqu’à présent, Cinq jours est certainement le livre le plus intime de son oeuvre selon Douglas Kennedy. Il y est question d’une brève rencontre entre deux personnages, sur un ton très réaliste, ne basculant jamais dans l’eau de rose.
Question récurrente pour les auteurs, qu’est ce qui lui a inspiré ce sujet ? 
 
En 2011, Douglas Kennedy nous avoue avoir dû passer un scanner pour un contrôle de santé. Il avait alors fait la rencontre d’une femme, technicienne de radiologie, très séduisante, et lui avait inspiré une réflexion sur ce que devait être son travail au quotidien : voir des cancers se propager dans le corps d’inconnus.
A la fin de l’année 2011, lors de l’un de ses nombreux voyages, il avait croisé à l’aéroport une femme seule, en larmes, triturant son alliance. Peut-être son couple était-il en danger ?
C’est également un voyage aux côtés d’un couple d’Allemands au sein duquel une dispute avait soudainement éclaté, qui lui inspira le déclic. L’un des deux partenaires avait alors demandé à l’autre « Mais qu’est ce que tu veux ? ». C’est une idée majeure du roman Cinq jours.
Douglas Kennedy y dresse le portrait d’une famille de la classe moyenne américaine typique, le récit d’une vie très étriquée.
Cela nous ramène à la question plus générale : à partir de quel moment trouve-t-on l’idée de départ d’un roman ?
Selon Douglas Kennedy, dans chaque histoire réside un problème central. En ce qui le concerne, il se laisse porter par la vie quotidienne et observe énormément ce qui se passe autour de lui. Pour Douglas Kennedy, la plus grande solitude est celle qui peut s’installer au sein d’un mariage. La question la plus difficile dans la vie est au fond, de savoir réellement ce que l’on veut. La chose la plus dure qui en découle est d’être prêt à changer.
Quasiment tous ses romans sont écrits dans la peau d’une femme et de son point de vue, ce qui est étrange pour un auteur masculin.
Douglas Kennedy, auteur à succès, essaye autant que possible de rompre avec un système qui impliquerait pour lui d’écrire un roman identique à la suite du précédent. Il tente de stopper une cadence trop infernale que les éditeurs auraient aimé lui imposer et qui serait un puits sans fond. La question n’est pas de produire un roman identique au précédent chaque année pour réitérer le même succès encore et toujours.
Il retourne ainsi souvent dans le Maine, une région des Etats-Unis qui l’inspire beaucoup. C’est d’ailleurs dans cette logique qu’à la fin de l’été 1998, il y avait écrit son roman A la Poursuite du bonheur, sans aucun contrat américain à la clé, et dont les ventes avaient pourtant décollé en France. La clé de sa réussite ? Peut-être est-elle liée au fait qu’il tente de se mettre dans la peau de son personnage principal à chacune de ses expériences d’écriture.
Pour en revenir à Cinq jours, Douglas Kennedy a également fait un parallèle intéressant entre son roman et un vieux film de 1946, « Brève rencontre » de David Lean, dont le sujet est très similaire.
Il s’est d’ailleurs souvent posé la question de savoir pourquoi était-il resté si longtemps marié avec son ex-femme. Au fond, peut-être que le malheur est un choix, ou simplement le résultat de la peur du changement. Fondamentalement, la vie est une combinaison de bienveillance et de malveillance, et parfois, notre plus grande déception est nous-même.
Pour un auteur aussi attendu par ses lecteurs (et lectrices !), n’a-t-il jamais eu peur que le succès ne soit plus au rendez-vous ?
Ce n’est pas du tout le cas. Douglas Kennedy ne va pas nous mentir, il aime le succès, comme n’importe qui d’autre. Il a à ce jour vendu plus de cinq millions d’exemplaires de ses romans au format poche dans le monde francophone.
Ses plus grands modèles sont des écrivains du XIXe siècle comme Balzac ou du XXe siècle comme Graham Greene. Ils furent tous deux des auteurs très célèbres, mais qui surent habilement éviter une célébrité qui aurait été un piège pour leur travaux. La clé est de savoir rester modeste.
Qu’en est-il des thèmes abordés dans ses romans ?
Douglas Kennedy avoue garder des thèmes constants mais tenter de les aborder différemment. Son prochain roman, qui s’intitulera Mirage en France, prend place dans un lieu exotique qu’est le Maroc. Il sera question d’une femme américaine dont le couple est dans la tourmente, et qui se retrouve seule dans le monde arabe, dans le Sud du Sahara. Ce roman fera approximativement la même taille que Cinq jours (environ 450 pages en poche).
Question fréquente posée aux auteurs : dispose-t-il d’une certaine technique d’écriture ?
Pas de méthode d’écriture à proprement parler pour Douglas Kennedy. Chacun dispose de la sienne, qui lui est la plus adaptée. Il n’y a pas de recette miracle qui s’appliquerait à tous. En ce qui le concerne, il se donne pour consigne d’écrire 500 mots par jour, six fois par semaine. C’est une véritable discipline d’écriture nécessaire si l’on veut obtenir des résultats.
La relecture du manuscrit est également une étape incontournable. Pour Cinq jours, il a dû supprimer 200 pages entre le premier et le deuxième jet du manuscrit.
Douglas Kennedy compare ce travail à un premier rendez-vous lors d’un dîner : il est nécessaire d’expliquer l’histoire de base avant de rentrer dedans, ce qui est un processus très difficile. Il a lui-même tendance à beaucoup trop écrire, il lui faut du temps  avant de trouver la voix de son personnage.
Pour son roman Cet Instant-là, le personnage très particulier d’Alastair a nécessité deux ans pour trouver sa voix propre.
Quant à la fin de ses romans, il ne la connaît pas lorsqu’il commence à écrire. C’est toujours une période de doute, un voyage au fil de l’écriture…
Il ne se crée pas non plus de plan fixe pour la composition de ses romans, contrairement à beaucoup d’autres écrivains. Il dispose de quelques idées à l’avance mais cela s’arrête là.
Chacun de ses romans est différent. Pour Mirage, sa maison d’édition lui a demandé quatre modifications successives de son manuscrit avant de l’accepter.
Selon Douglas Kennedy, dans la vie, il n’y a pas une vérité unique, mais plein d’interprétations différentes.
A quel âge lui est venue cette volonté d’écrire ?
A neuf ans, en 1964, Douglas Kennedy écrivit pour la première fois une petite nouvelle pour sa professeur d’école. A l’université, il participait à la rédaction de revues littéraires. Durant sa vingtaine, il travaillait pour la BBC et écrivait un certain nombre de nouvelles.
Son premier roman, Cul-de-Sac (ré-intitulé Piège nuptial), fut le résultat d’un de ses voyages en Australie.
Il s’est essayé à beaucoup de choses différentes avant de trouver son vrai chemin qui est celui de l’écriture. Son vécu assez complexe l’a aussi beaucoup aidé.
On observe la récurrence du chiffre « 5 » dans son oeuvre, y a-t-il une raison à cela (La Femme du cinquième, Cinq jours) ?
Douglas Kennedy est né en 1955 ! Mais c’est totalement l’oeuvre du hasard.
Connaissait-il le 5e arrondissement de Paris avant d’écrire La Femme du cinquième ?
Dans ce roman, le narrateur vit dans le 10e arrondissement de Paris, là où Douglas Kennedy habite lorsqu’il est de passage dans cette ville. Il avait auparavant lu des romans assez cliché de carte-postale sur des étrangers de passage à Paris, et ne voulait en aucun cas réitérer ce type de livre.
Il s’est donc beaucoup baladé à Paris, prenant le métro comme tout le monde, découvrant Barbès, la rue de Paradis, le marché St-Martin… afin de se faire une idée de Paris qui ne soit pas cliché.
Douglas Kennedy utilise souvent ses villes comme des personnages à part entière de ses romans (Paris, Berlin, Boston, Essaouira…). D’une certaine façon, il se crée des récits de voyage.
Y a-t-il des écrivains qui l’inspirent tout particulièrement ?
Douglas Kennedy nous cite un classique, Madame Bovary de Flaubert, mais également les théories de Freud qui a changé l’écriture sur le thème de l’enfance, la notion du pardon…
En ce qui concerne les auteurs anglophones, il nous cite Graham Greene, mais également Richard Yates.
Il est beaucoup question de mariages ratés dans la littérature américaine.
Douglas Kennedy nous apprend qu’il lit énormément, deux à trois livres par semaine !
Quant à des parallèles dans le cinéma, il nous conseille « Trois chambres à Manhattan », un film de 1965 qui lui inspira le début de La Femme du cinquième.
Au sujet de son dernier recueil de nouvelles Murmurer à l’oreille des femmes (Belfond, 2014), que peut-il nous dire sur ce format ?
Les nouvelles sont des écrits typiquement rédigés pour des magazines ou du temps où il travaillait pour la BBC.
Un roman lui prend deux années de travail. Les nouvelles sont beaucoup plus rapides à écrire. C’est également l’occasion pour lui de s’essayer à quelque chose de différent, de parfois plus noir. Cela lui permet de créer un monde en quelques pages, ce qui est également un exercice plus difficile.
Sa nouvelle Guerre froide est un récit autobiographique sur un jeune garçon américain de 7 ans à New York, face à la menace d’une guerre nucléaire avec Cuba, dont les parents forment un couple frustré. Cette nouvelle fut écrite en trois jours.
Ce recueil de nouvelles peut néanmoins se lire comme un roman.
Merci aux éditions Pocket ainsi qu’au magazine Elle pour m’avoir permis de participer à cette rencontre.
Douglas Kennedy, Cinq jours, éd. Pocket, 2 octobre 2014
448 pages
Prix : 7,30 €

(6) Comments

  1. Je n’ai jamais lu cet auteur, mais j’aime beaucoup sa philosophie et son point de vu sur la vie…

    1. Il écrit vraiment de très belles histoires.

  2. Bonjour,

    Je faisais partie des chanceuses lectrices.

    J’ai passé un vrai moment de plaisir, une pause, comme un arrêt dans ma vie.

    Douglas Kennedy est définitivement un homme charmant et modeste. Il sourit beaucoup, vous écoute et répond à vos questions. Il m’a donné l’impression d’être dans un autre temps, celui ou on prend le temps de vivre.

    Il cherche son chemin dans la vie et partage avec nous le fruit de ses réflexions. Dans tout cela rien de philosophique ou d’existentiel, il ne vous impose pas sa vérité.
    Derrière chaque être vivant, qu’il croise, il imagine un personnage avec son parcours, ses réflexions et surtout ses sentiments. C’est un observateur de vie.

    Il vous raconte facilement pourquoi il en est arrivé là : ses réussites, ses échecs…un peu comme on peut le faire en fin de soirée en terminant la dernière bouteille de vin.

    Hasard ou pas, j’ai aussi fait de belles rencontres parmi les lectrices, des parcours de vies intéressants

    NB : Editions Laffont, vues ☺

    1. Bonjour,
      Je suis heureuse que vous ayez autant apprécié ce moment privilégié. Effectivement, Douglas Kennedy est un auteur humble et sincère, j’ai eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises maintenant et c’est toujours un aussi grand plaisir de pouvoir l’écouter et échanger avec lui !
      Si je peux me permettre, je n’ai pas tout à fait compris votre Nota Bene ?
      A très bientôt 😉

  3. Très bon roman de Douglas Kennedy, qui ne laisse pas indifférent ! 🙂

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