Isabelle Marsay, Le Fils de Jean-Jacques

Isabelle Marsay, Le Fils de Jean-Jacques ou la Faute à Rousseau, éd. Ginkgo, mai 2012.
Ceci n’est pas un recueil de textes philosophiques du célèbre écrivain français du siècle des Lumières.
L’auteur des Confessions ne se maria jamais avec sa compagne, avec laquelle il conçu cinq enfants qu’il confia successivement à l’Assistance Publique.
Isabelle Marsay, professeur de Lettres, imagine le sort qu’aurait pu connaître l’aîné de Jean-Jacques Rousseau, seul enfant dont il ait réellement éprouvé le désir de retrouver la trace au cours de sa vie, à partir des quelques éléments laissés derrière lui avant son abandon.Sous le règne de Louis XV, le nombre d’enfants abandonnés et confiés à la charge des Enfants-Trouvés explose littéralement. Déculpabilisant les parents ne se sentant pas la force ni les moyens d’élever cette progéniture souvent née hors mariage, l’Assistance Publique est submergée par ces petits nourrissons dont très peu atteignent leur premier anniversaire.

 Quand ils ne sont pas entassés à plusieurs dans un même berceau dans des conditions miteuses et insalubres, ils sont confiés à des nourrices de Province, rémunérées pour prendre soin de ces petits jusqu’à l’enfance, âge auquel ils retournent très souvent à la Capitale mener une vie de misère.

Chaque chapitre est précédé de divers extraits issus des écrits de Rousseau, relatifs à la condition de parent à laquelle il renonça, à ses remords suite à la dénonciation de Voltaire ainsi qu’aux tentatives de justification de ses actes auprès de ses riches protecteurs.
Le lecteur suit le destin mouvementé d’un enfant nommé Baptiste, premier né de Jean-Jacques, déposé à l’Assistance Publique, confié à une nourrice sans aucun intérêt pour le bien-être de l’enfant, mais dont l’aide financière que lui prodigue cette fonction permet à sa famille de vivre plus dignement dans les campagnes françaises touchées par une misère sans nom. Jusqu’au jour ou le destin se penche sur le berceau de ce petit nourrisson et lui offre une seconde chance… mais pour combien de temps, et pour quel avenir ?
Mon avis : Une écriture fluide et passionnante, entrecoupée d’écrits de Rousseau mis en miroir face à l’évolution de l’intrigue qui, au-delà de la fiction, nous permet de mieux comprendre ce philosophe et ses écrits les plus célèbres. Lui à qui l’on reprocha si cruellement ses abandons répétés, une fois l’affaire rendue publique par son plus fervent opposant, Voltaire.
Rousseau n’eut de cesse, le restant de sa vie, de regretter ses actes, de trouver des justifications valables à ces abandons, et de se repentir en essayant vainement de retrouver la trace de son premier né, le seul dont il ait conservé une preuve de son lien avec lui…
En bref, une façon originale de redécouvrir l’Histoire d’une époque troublée, où le luxe de Paris tranche avec l’extrême pauvreté de la Province et des campagnes, alors que la France est engagée dans la conquête de ses nouvelles colonies des Amériques, et où le nombre d’enfants abandonnés et recueillis par l’Assistance Publique explose, coûtant à l’Etat plus que ce qu’il était prévu initialement.
La majeure partie de l’intrigue se déroulant dans la campagne picarde, l’auteure y décrit également les rites, coutumes et croyances populaires bien ancrées dans ces régions, petite touche d’ethnographie ajoutée à ce roman :
[Lors d’une cérémonie de mariage] « Durant la cérémonie, chacun observa peu ou prou son voisin : une croyance voulait qu’on pût condamner le mari à l’impuissance et à l’infertilité si l’on nouait des aiguillettes en proférant des paroles enchantées… » [p.95]
Ma note pour ce livre (entre 1 et 5 étoiles) :
Il m’a été permis de lire ce livre grâce au partenariat avec Babelio et la maison d’édition Ginkgo, que je remercie encore pour cette opportunité : quelle belle surprise littéraire !

 

(6) Comments

  1. Effectivement, on n'a souvent retenu de lui que l'image d'un père indigne, se posant en donneur de leçon et sans aucuns remords… Mais n'était-il pas un être humain avant tout ? Chacun ses vices, mais également ses douleurs et tortures mentales…

  2. Ah ! Enfin une critique de ce livre qui ne montre pas Rousseau comme un "mauvais père", quelqu'un d'inhumain !

  3. J'estime après avoir lu ce livre que J. J. ROUSSEAU a toujours prêché un discours contraire à ses comportements irresponsables dans la vie de tous les jours. En définitive faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais.

  4. Cette fin de semaine, j'ai pris le "fils de Jean-Jacques" pour le feuilleter, puis page après page, je me suis attachée au sort de ce petit Baptiste arrivant ainsi jusqu'aux dernières pages. Je feuilletais les dernières pages du livre croyant que j'avais oublié d'en lire une partie. Insatisfaite, encore sur ma faim, parce que je trouvais qu'Isabelle Marsay l'

  5. Merci de m&#39;avoir donné cette référence littéraire dont l&#39;Association des Amis du Musée de l&#39;AP-HP transmettra le lien sur son site http://www.adamap.fr<br />Professeur Jena-François Moreau, président de l&#39;ADAMAP, vous remercie de votre fidélité à leurs actions en faveur de la pérennité de la mémoire du rôle sanitaire et social d&#39;une institution – l&#39;Assistance publique à Paris –

  6. Shoushoun says:

    En cette année anniversaire rappelant J.J.Rousseau à notre bon souvenir, voici un côté du personnage peu connu du commun des mortels. Une intéressante problématique de la vie de cette période où la vie de famille et les contraintes de l&#39;éducation des enfants ne semblaient pas poser de gros problèmes. L&#39;abandon ou la mise en nourrice était d&#39;usage. <br />On ne s’embarrassait pas du

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