La Porte du Ciel, de Dominique Fortier

la-porte-du-cielDominique Fortier, La Porte du Ciel, éd. Les Escales, 5 janvier 2017

Ce roman d’une auteure québécoise reconnue au Canada revient sur l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire des Etats-Unis, la Guerre de Sécession et l’émergence d’un mouvement fondamentaliste et raciste nommé Klu Klux Klan, au sein des plantations de coton, paysage typique du Sud des Etats-Unis. 

En bref : Eleanor McCoy est la fille d’un médecin estimé de Louisiane. A l’issue d’une consultation chez les propriétaires d’une grande plantation de coton de la région, le docteur McCoy rachète une jeune esclave de l’âge de sa fille et lui offre une meilleure condition en sa maison. Ève est élevée aux côtés d’Eleanor, recevant une éducation hors du commun pour une jeune fille mulâtre à cette époque.

« Il ne vous avait pas échappé, sans doute, qu’Ève avait un statut mal défini. On ne lui demandait pas de frotter les planchers, mais jamais il ne serait venu à l’esprit de quiconque de l’inviter à s’assoir à table quand il y avait du monde à la maison. Elle prenait tous les jours le thé avec Eleanor, dont elle partageait les jeux, mais, après que son amie se fut tamponné les lèvres, Ève rapportait les tasses à la cuisine pour les laver. » (p.56-57)

Même si sa nouvelle famille tente de l’assimiler du mieux qu’ils le peuvent, c’est la réalité des opinions de la population environnante qui rattrape Ève et lui rappelle que la place d’une fille de couleur n’est pas à leurs côtés sur l’échelle de la Chrétienté dont ils se réclament le dimanche.

« Depuis la pénombre où était plongé le fond de l’église, la lumière semblait progresser dans l’éclaboussement de couleurs des vitraux pour culminer dans les douces teintes de miel. Aussitôt, tout s’éclaircit : cette échelle menant de la terre au ciel, n’était-ce pas ce qu’elle voyait se déployer devant elle et qui, naissant dans l’ombre, prenait fin dans la blondeur dorée d’Eleanor et sa famille ? Sur les gravures, Jésus était pareillement nimbé de lumière et, de surcroît, il avait les yeux bleus. Rien d’étonnant , donc, à ce qu’il ait voulu avoir à ses côtés les êtres qui lui ressemblaient le plus. Ce devaient être les autres qui redescendaient ; ceux qui n’étaient pas dignes de siéger à ses côtés. Ève baissa les yeux vers ses mains brunes […]. » (p. 44)

Très vite, le contexte politique explose et les dirigeants des Etats du Nord, représentés par un certain Abraham Lincoln, lancent l’idée que l’esclavage devrait être aboli. Les propriétaires terriens des Etats du Sud ne l’entendent pas de cette oreille, car les esclaves noirs sont une main d’oeuvre bienvenue pour leurs exploitations et sont le gage de leur prospérité. Deux idéologies s’affrontent et très vite, le pays s’enflamme.

« La Caroline du Sud annonça qu’elle renonçait à l’Union quelques jours avant la Noël de cette année-là, avant même l’investiture de ce nouveau président qui semblait n’avoir fait que des mécontents. Elle fut bientôt suivie du Mississippi, de la Floride, de l’Alabama, de la Géorgie, de la Louisiane et du Texas, puis de la Virginie, de l’Arkansas, de la Caroline du Nord et du Tennessee. C’est ainsi que Jefferson Davis fut déclaré président de ces Etats confédérés d’Amérique avant qu’Abraham Lincoln ne soit intronisé en tant que président des Etats-Unis. Le pays qui avait été plusieurs avant que d’être un s’était disloqué, fracturé. Et puis, pendant des mois, rien – presque rien – ne se passa. » (p. 87)

Mon avis : J’ai su que je devais lire La Porte du Ciel dès que j’en ai découvert la couverture, présentant celle belle jeune femme de couleur sur une photographie datée. Ma lecture du pitch n’a fait que renforcer ma conviction.
J’ai toutefois été assez déstabilisée par ce roman, qui n’est pas tout à fait ce à quoi je m’attendais. Cette thématique m’est chère et je prends toujours grand plaisir à suivre ces personnages emportés dans les tourments de cette Histoire complexe et agitée. Toutefois, l’enchaînement des chapitres de La Porte du Ciel n’est pas linéaire et ne suit pas une unique trame.
Avec ce livre, Dominique Fortier explore la condition noire américaine à de multiples niveaux, depuis les esclaves noirs juste avant la guerre de Sécession, et jusqu’aux prisons les plus défavorisées du Sud de nos jours, qui connaissent une population carcérale dominée par les détenus afro-américains. Toutes ces visions sont très intéressantes à découvrir, non sans être assez déstabilisantes lorsque l’on passe de l’un à l’autre d’un simple saut de page.
Dominique Fortier l’explique clairement dans les remerciements qui clôturent La Porte du Ciel : cet ouvrage n’a pas pour ambition d’être un roman historique à proprement parler. S’il fait référence à des faits historiques, il ne s’attarde pas à les décrire de façon minutieuse et chronologique. C’est le contexte qu’il y a autour, les conséquences de cette guerre sur la vie des hommes et des femmes du quotidien, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, maîtres ou esclaves, ouvriers ou ecclésiastiques.
Ma lecture de ce roman m’aura laissé sur ma faim, car cette fin n’en est pas réellement une, mais laisse la porte ouverte à notre imagination, et surtout à notre réflexion sur l’époque et le contexte abordé.
Je referme donc cet ouvrage en ayant beaucoup apprécié ma lecture, qui m’aura fait replonger dans un contexte historique et sociologique qui me passionne depuis des années, mais avec toutefois quelques regrets, que cela n’ait pas été plus profond encore (même si ce n’était pas le parti pris de départ de l’auteur, j’en conviens).

Ma note :

Fourstars

Merci à Babelio et aux éditions Les Escales pour m’avoir permis de lire ce livre.

(3) Comments

  1. […] (Josée Lapointe) Voir.ca (Venise Landry) Blog Brèves littéraires  Blog L’ourse bibliophile Blog Un jour, un livre  Blog BettieRose […]

  2. Je suis du même avis que toi : je suis mitigée sur cette lecture, car je n’ai pas réussi à entrer dans le partis pris de l’auteur.

  3. Un roman que je compte me procurer absolument, moi qui aime beaucoup ce genre d’histoire et cette période, je n’ai aucun doutes qu’en au fait qu’il me plaira. Bisous. Autant en emportent les livres.

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