Audrey retrouvée, de Sophie Kinsella

Audrey RetrouvéeSophie Kinsella, Audrey retrouvée, éd. Pocket Jeunesse, 3 mars 2016

(Titre original : Finding Audrey)

Audrey est une adolescente britannique victime de dépression sévère. Après avoir subit le harcèlement scolaire dans son ancien lycée, elle est à présent déscolarisée et tente de se reconstruire petit à petit au sein d’une famille haute en couleurs.

En bref : Audrey a été victime de harcèlement scolaire. Après un impressionnant burn-out, elle est déscolarisée jusqu’à la prochaine rentrée. Entre temps, elle reste cloîtrée chez elle, des lunettes de soleil vissées sur son nez, car elle ne parvient plus à regarder personne dans les yeux, pas même les membres de sa famille, à l’exception de son petit frère de 4 ans.

« J’ôte mes lunettes de soleil et je contemple son petit visage rond, si merveilleusement ouvert. Felix est la seule personne que je sois capable de regarder dans les yeux. Mes parents, ce n’est même pas la peine. Ils débordent d’inquiétude et de peur, ils en savent trop long. Ils expriment trop d’amour, vous voyez ce que je veux dire ? Si jamais je viens à croiser leur regard, tout me revient d’un seul coup comme un raz de marée – le tout mêlé à une colère qui chez eux est tout à fait justifiée. Non qu’elle soit dirigée contre moi, mais tout de même. C’est hautement toxique.
Quant aux yeux de Franck, ils ont seulement l’air un peu paniqués. Style : « À l’aide, ma soeur est devenue folle, que dois-je faire ? » Il aimerait bien que ça ne le touche pas à ce point, mais il n’y peut rien. Bien sûr que ça le perturbe. Sa soeur se planque dans la maison derrière ses lunettes de soleil. On ne peut pas lui en vouloir. » (p. 61)

Pour l’aider à sortir de sa dépression, de sa phobie sociale et de ses crises d’angoisse, le psy d’Audrey lui propose de se munir d’une caméra et de filmer son quotidien, une façon d’appréhender ainsi le monde qui l’entoure à travers  l’objectif, et de peut-être se rendre compte qu’il n’est pas si néfaste.

« Un film. Personne n’a jamais évoqué cette possibilité. Est-ce leur nouvelle version des cupcakes thérapeutiques  ?
– Cela te faciliterait la transition entre aujourd’hui et…
Dr Sarah marque un temps d’arrêt.
– … et l’objectif que nous avons fixé pour toi. Au début, tu peux filmer en tant qu’observatrice. Comme si tu étais une petite souris. Tu sais ce que j’entends par là ?…
Je hoche la tête en tentant de cacher la panique qui menace de me submerger. Tout va soudain beaucoup trop vite.
-… Et puis, petit à petit, j’aimerais que tu commences à interviewer ceux que tu filmes. Tu crois que tu pourrais regarder dans les yeux des gens à travers l’objectif d’une caméra ?
Une terreur absolue me guette. Je tente de l’ignorer puisque mon cerveau m’envoie souvent des messages qui ne sont pas vrais et dont je ne dois pas tenir compte. C’est la première chose qu’on apprend à Saint John : notre cerveau est un imbécile. » (p. 35)

Munie de sa nouvelle caméra, Audrey apprend donc à redécouvrir sa famille en  tentant de faire abstraction de ses phobies.
Le frère d’Audrey est un gameur invétéré, au grand désespoir de leur mère qui tente par tous les moyens de le faire décrocher de cette addiction néfaste selon elle et les nombreux magazines qu’elle lit chaque jour. Franck a pour but de participer à la coupe du monde d’un célèbre jeu en ligne, qui se pratique en équipes. Pour cela, il invite régulièrement l’un de ses meilleurs amis à venir s’entrainer avec lui. Audrey, qui filme tout ce qui se passe dans la maison, va petit à petit apprendre à s’ouvrir à ce garçon qui ne semble pas uniquement intéressé par les jeux de Franck.

Mon avis : Audrey retrouvée est le premier roman Young-Adult de Sophie Kinsella, l’auteur de la très célèbre série de chick-lit L’Accro du Shopping (publiée aux éditions Pocket). Avec Audrey retrouvée, Sophie Kinsella prend possession des problèmes des adolescents comme le harcèlement scolaire, la dépression, les crises d’angoisse mais aussi les craintes des parents vis-à-vis des hobbies de leurs enfants, à l’image de l’addiction aux jeux vidéos du frère d’Audrey, Franck.
Les références à la culture mainstream contemporaine sont légion, comme l’allusion claire au célèbre gameur sur YouTube PewDiePie et ses 42 millions d’abonnés.

« Je viens de trouver une vidéo d’une partie de LOC commentée par Archy.
Franck raffole des vidéos d’Archy le Suédois. On y vois Archy jouer à LOC tout en faisant des commentaires hilarants. Comme prévu, expliquer le concept à maman prend une éternité. » (p. 19)

Audrey retrouvée est un excellent livre à recommander à tous les adolescents qui pourraient se trouver perdus ou mal dans leur peau. Sophie Kinsella aborde avec justesse la quête de « normalité » des jeunes, leurs craintes de ne pas se fondre dans le moule, et même de ne jamais sortir de cette dépression et des crises d’angoisse qui les rongent, un sentiment très partagé par ceux qui en sont victimes.

« Le problème, c’est que la dépression ne s’accompagne pas de symptômes, comme des petits boutons ou de la fièvre, alors au début, on ne se rend pas compte. On continue à répondre « tout va bien » alors que, au fond, ça ne va pas du tout. On se dit qu’on n’a aucune raison d’aller mal. Et on se répète sans arrêt : « mais pourquoi est-ce que je me sens si mal ? » » (p. 31-32)

« Comment est-ce que je vais faire au lycée ? Comment est-ce que je vais faire quoi que ce soit ? Et si je restais comme ça pour toujours ?
Une larme roule sur ma joue. Mais qu’est-ce qui me prend ? Dr Sarah me tend un mouchoir et je soulève un instant mes lunettes noires pour me frotter les yeux.
– D’abord, tu ne vas sûrement pas rester comme ça, dit Dr Sarah. Ta maladie est tout à fait traitable » (p. 33)

En suivant le parcours d’Audrey et sa quête vers la guérison, le lecteur glane toute une série d’encouragements pour l’aider lui aussi à aller mieux et à s’en sortir.

« – Plus tu interagiras avec le monde extérieur, mieux tu arriveras à diminuer tes angoisses. Tu constateras qu’elles sont sans fondement. Il règne une grande agitation là-bas dehors, le monde est bariolé, et la plupart des gens ont la capacité de concentration d’un moucheron. Ils ont déjà oublié ce qui s’est passé. L’incident leur est sorti de l’esprit. Tu ne crois pas qu’il s’en est produit bien d’autres depuis ? » (p. 93)

Mais au delà du sujet difficile qu’est la dépression, Audrey retrouvée est surtout un livre bourré d’humour qui dépeint avec force et sarcasme le quotidien des adolescents et leurs rapports avec leurs parents, ce qui ouvre la porte à de franches parties de rigolade.

« Les parents contrôlent l’usage des nouvelles technologies et le temps d’utilisation des appareils électroniques à la maison, ils limitent les jeux vidéo et les réseaux sociaux, mais dès que leur ordinateur part en vrille, ils braillent comme des bébés : « Il est parti où mon document ? » « J’arrive pas à ouvrir Facebook. » « Comment je fais pour télécharger la photo? » « Je double clique ? Quoi ? Comment ça ? »
Et là, qui appellent-ils au secours ? » (p. 142-143)

Vous l’aurez compris, je vous recommande chaudement la lecture d’Audrey retrouvée. Sophie Kinsella s’est brillamment illustrée, comme à son habitude, et réussit une belle transition dans la catégorie roman Young-Adult.

Ma note : 

Fourstars1

Je remercie les éditions Pocket Jeunesse pour m’avoir permis de lire ce livre.

(2) Comments

  1. Je suis très curieuse de retrouver cette auteur dans ce nouveau genre et de lire ce roman.

    1. Et elle s’en sort avec brio !

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