À l’orée du verger, de Tracy Chevalier

A l'orée du vergerTracy Chevalier, À l’orée du verger, éd. La Table Ronde (collection Quai Voltaire), 11 mai 2016

(Titre original : At the Edge of the Ochard)

Au XIXe siècle, une famille de pionniers américains décide de s’installer plus à l’Ouest dans les terres encore inoccupées de l’Amérique. Le père plante des pommiers, mais l’acclimatation est plus complexe que prévu. La vie n’est pas rose à l’ombre des vergers. 

En bref : Au XIXe siècle, nombreux sont les pionniers de la côte Est des Etats-Unis à être encouragés à coloniser les terres encore vierges de l’intérieur du pays. Pour les y inciter, on leur promet la propriété des terrains qu’ils auront su occuper, s’ils parviennent à y faire pousser des vergers fertiles sur la durée.

« Les Goodenough venaient d’arriver dans le Black Swamp quand l’homme était apparu pour la première fois avec sa cargaison d’arbres, leur rappelant gentiment qu’ils étaient censés faire pousser une cinquantaine de fruitiers sur leur parcelle dans un délai de trois ans, s’ils voulaient en être légalement propriétaires. Aux yeux de la loi, un verger constituait le signe indéniable qu’un colon avait l’intention de rester sur place. » (p.16)

James et Sadie Goodenough quittent le Connecticut pour migrer vers l’Ouest. Très vite, le voyage devient plus rude que prévu et ils se retrouvent bloqués dans l’Ohio, en plein milieu d’un marais dont la boue les empêche d’avancer plus loin. Ils décident donc de s’établir dans ce Black Swamp, à défaut d’autre. La vie est rude, les conditions si difficiles que la fièvre des marais emporte chaque été l’un de leurs enfants. Mais James s’accroche à ses arbres, malgré les récriminations permanentes de son épouse qui rêverait de s’en échapper le plus loin possible.

« J’ai entendu dire qu’il y avait des terres à l’ouest dans du tout d’arbres dessus. Une grande prairie. Oh, Seigneur, faites que j’aille là-bas. J’ai essayé de convaincre James, mais il voulait pas écouter. Il paraîtrait qu’on a fait notre trou ici, tapis comme des crapauds dans cette saleté de marais puant, et on va y rester. » (p.30)

Sadie ne comprend pas la fascination de James pour ses pommiers. Elle lui reproche de plus s’en inquiéter que de sa propre famille. La rudesse de la nature et des conditions de vie affectent leur couple et le quotidien devient vite invivable.
Plusieurs années plus tard, leur fils Robert décide à son tour de partir tenter sa chance plus à l’Ouest. Il fuit ce marais qui le hante, le suivant comme son ombre malgré les kilomètres qu’il met chaque jour entre son ancienne vie et lui.

« Robert s’était efforcé de mener une vie honnête, même quand il était parfois entouré de gens malhonnêtes, et pourtant, si irréprochable que soit aujourd’hui son existence, il savait qu’il avait commis au moins une faute à laquelle il ne pourrait jamais échapper. La conscience de cette faute le poursuivrait toujours, à l’est comme à l’ouest. Sa fuite éperdue ne pouvait rien y changer. » (p.142)

Ses aventures le mènent jusqu’en Californie à l’époque de la ruée vers l’or, mais aussi et une fois de plus, à la découverte d’une nature qui n’a pas fini de l’émerveiller.

Mon avis : À l’orée du verger est mon premier roman de Tracy Chevalier.
Au premier abord, je n’étais pas persuadée que ce livre serait fait pour moi.
À l’orée du verger traite de la colonisation des Etats-Unis, des pionniers américains qui sont fortement incités à aller toujours plus vers l’Ouest et s’installer dans l’intérieur des terres. Tout est encore brut. Ils sont les premiers à défricher les sols, arracher les arbres et aménager le territoire pour y construire les premières habitations, installer les premières cultures, faire pousser les premiers arbres fruitiers. On oublie souvent combien cette tâche a dû être rude et éprouvante pour toutes ces familles parties s’installer dans l’inconnu.

« À la longue, on s’est habitués. Je me suis peut-être tout bonnement résignée. J’entendais de nouveaux colons se plaindre de la boue et je me disais : Y a pire que la boue. Attendez un peu, vous verrez.
On est arrivés dans les marais début avril, une bonne période pour s’établir sauf qu’il faut se dépêcher de semer, d’aménager un potager et de construire une maison. Mais voilà, que ce soit pour semer, aménager un potager ou construire une maison, il faut d’abord déboiser. Les arbres étaient un autre ennemi qui nous attendait dans le Black Swamp. Ah ça, les ennemis manquaient pas, là-bas. » (p.29)

C’est aussi l’époque de la ruée vers l’or en Californie.

« La Californie était autrefois une terre immense peuplée de quelques Indiens et de quelques Californios ; aujourd’hui, elle comptait des centaines de milliers d’Américains, venus chercher de l’or et espérant trouver autre chose pour remplacer ce rêve. » (p.153)

Passé les premières pages, il est beaucoup question d’arbres, et cela est parfois très technique. Je l’avoue, j’ai craint que tout le livre ne soit qu’un manuel de jardinage. La première partie du roman alterne les points de vue des deux personnages principaux du début du livre, un couple de pionniers s’installant dans un marais de l’Ohio pour planter des pommiers. Le personnage féminin est d’une méchanceté et d’un sadisme tels que cela m’a révulsé. Et cela a produit une sorte d’effet inverse : m’agripper de façon curieuse à ce livre. Si l’auteure était capable de créer chez moi une réaction de rejet si fort, cela laissait présager de la qualité du roman et de la suite de l’intrigue.
Et j’ai eu au combien raison de m’accrocher. Ce roman est tout bonnement magnifique. C’est une ode à la nature, mais aussi une sorte de quête spirituelle et surtout existentielle. Je ne pouvais plus le lâcher, et je n’avais qu’une hâte quand j’étais occupée ailleurs : revenir à ma lecture.

« James mordit dedans, et bien qu’il ne sourît pas – les sourires étaient rares dans le Black Swamp -, il ferma les yeux un instant pour mieux la savourer. Les reinettes dorées combinaient des arômes de noix et de miel, avec une acidité finale qui, paraît-il, ressemblait à l’ananas. » (p. 31)

Je ne qualifierais pas forcément À l’orée du verger de roman historique. Certes, il a pour cadre ce XIXe siècle où l’Amérique est en pleine construction, mais il ne sert finalement que de toile de fond à la vraie histoire, celle de nos personnages dont les préoccupations qui les minent sont intemporelles.
Je pense que je vais très prochainement me pencher sur les précédents romans de Tracy Chevalier, et notamment le très célèbre La Jeune Fille à la Perle, dont on m’a tant dit de bien.

Ma note : 

Fourstars1

Merci aux éditions La Table Ronde et à l’agence Anne et Arnaud pour m’avoir permis de lire ce livre.

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