Girl Online de Zoe Sugg, alias Zoella…ou le complexe du nègre éditorial.

Zoe Sugg (Zoella) à la soirée de lancement de son ouvrage le 24 novembre à Londres.
Zoe Sugg (Zoella) à la soirée de lancement de son ouvrage le 24 novembre à Londres.
Dernièrement, le monde de l’édition anglophone a été secoué par un phénomène venu de Grande Bretagne : Zoella, la célèbre YouTubeuse beauté cumulant presque 10 millions d’abonnés, faisait paraître le 25 novembre 2014 son premier roman, Girl Online, chez Penguin en Angleterre et Atria/Keywords Press aux Etats-Unis.

Cet été, la jeune femme de 24 ans avouait son excitation pour ce projet, confiant sur son blog qu’elle avait toujours rêvé d’écrire un roman, depuis sa plus tendre enfance où elle tapait ses premiers écrits sur son ordinateur, et dessinait même des couvertures pour ses ouvrages. C’est donc avec excitation qu’elle avait accepté la proposition de Penguin d’écrire pour eux un roman basé sur sa vie.

« When I was 13 I would rush home from school to work on a book I was writing. Sadly I don’t still have that book now. I wrote it up on word and it was hundreds of pages long, I don’t even remember what it was called. I saved it all on a floppy disc (remember those?), and then I think I threw it away (DAMMIT), I even drew a front cover. I’ve known since then that I’ve always wanted to write my own book, so was so excited when I was approached by Penguin to make this a reality! Since then we’ve been working together to bring my ideas to life and create my very own novel – Girl Online!« 

Girl Online de Zoe Sugg (zoella.co.uk)
Girl Online de Zoe Sugg (zoella.co.uk)

Records de ventes à sa sortie : 78 000 exemplaires vendus dès la première semaine, le livre explose tous les records outre-Manche, éclipsant les Dan Brown, Stephen King et autre J.K. Rowling.

Mais là où le bât blesse, c’est lorsque le Sunday Times révèle, le 7 décembre, avoir découvert que Zoella, de son vrai nom Zoe Sugg, n’avait pas réellement écrit son roman Girl Online. Choc sur la blogosphère, tremblement de terre éditorial… La maison d’édition Penguin, qui n’avait tout d’abord pas souhaité commenter, a bien été obligée de confirmer que la demoiselle « avait reçu l’aide d’une équipe éditoriale pour venir à bout de l’ouvrage » (il n’est pourtant jamais mentionné d’auteur).

For her first novel, Girl Online, Zoe has worked with an expert editorial team to help her bring to life her characters and experiences in a heartwarming and compelling story.

Zoe Sugg et son éditeur britannique (zoella.co.uk)
Zoe Sugg et son éditeur britannique (zoella.co.uk)

Certains ont en effet remarqué une forte ressemblance dans le style d’écriture avec une auteure britannique ayant déjà écrit plusieurs dizaines d’ouvrages, Siobhan Curham. Cette dernière avait d’ailleurs publié un article sur son blog personnel au mois d’août dernier (supprimé par la suite) où elle avouait devoir écrire un roman de 80 000 mots en l’espace de 6 semaines.

En croisant les sources, il semblerait donc que d’un roman de 80 000 mots, la blogueuse et YouTubeuse beauté n’ait uniquement fait que dicter les personnages et la trame de l’histoire à ce que l’on appelle couramment un « nègre » dans le monde éditorial (ghostwriter en Anglais, une personne écrivant pour vous dans votre ombre).
Hilary Duff faisant la promotion de son roman Elixir
Hilary Duff faisant la promotion de son roman Elixir

Zoella n’est pas la première à avoir eu recourt aux services d’un nègre éditorial pour écrire son roman à sa place. En 2010, l’actrice Hilary Duff avait sorti un roman à son nom, Elixir, (publié en France chez Michel Lafon). La grande différence réside dans le fait que le nom du « nègre » (ou ghostwriter en VO) apparaît clairement sur la première page de l’ouvrage de Elixir, mais nulle part sur celui de la jeune britannique !

La sphère YouTube semble mitigée sur le sujet, mais une certaine tranche de BookTube (à laquelle, vous l’aurez compris, je me raccroche) semble se désolidariser de cette manipulation éditoriale. Je vous laisse d’ailleurs regarder la vidéo éloquente d’Ariel Bisset, l’une des plus importante BookTubeuse anglo-saxonne, sur le sujet :
Pour paraphraser Ariel, le vrai problème ne réside pas dans le fait de publier un livre co-écrit, mais d’être honnête à ce sujet. Car sur les 10 millions d’abonnés que Zoella cumule sur YouTube, de nombreux sont des jeunes adolescentes, qui n’ont aucune idée du fait que beaucoup d’argent est en jeu dans cette entreprise, car c’est bien de cela dont il est question.
Mentir à ses abonnés et faire croire que l’intégralité du contenu a été produit par elle-même, alors que seules ses idées sont les siennes, est assez inacceptable, voir frauduleux et manipulateur.
De nombreux ouvrages sont écrits à plusieurs : il est alors question de « collectifs » et ils se vendent d’ailleurs très bien.
Je finirai mon article sur une note légèrement amère. J’ai récemment appris que certains BookTubers francophones avaient prévu de lire et de chroniquer Girl Online sur leur blog/leur chaîne YouTube. Reste à voir quelles seront leurs conclusions ou si leur vision de ce « roman » sera biaisée par la popularité de Zoella et passera outre ce vilain (petit ?) mensonge…
Pour résumer : Cela me rend juste un peu amère et triste, de penser que nous n’aurons jamais assez d’une vie pour lire tous les merveilleux livres écrits par d’honnêtes gens partout dans le monde… pourquoi perdre son temps avec de telles fraudes, visiblement purement commerciales, puisque Zoe Sugg a signé un contrat incluant 2 livres avec Penguin. On attend donc déjà la suite… ou pas !

(8) Comments

  1. C’est une pratique utilisée depuis bien longtemps.
    On lira avec intérêt l’article Wikipédia : « le nègre littéraire » http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A8gre_litt%C3%A9raire
    [Au xviiie siècle, dans le langage familier spécialisé des écrivains et des éditeurs, on trouve le mot « teinturier » avec le même sens. Voltaire, lui, utilisait le terme blanchisseur.]

    1. Et oui, après le tout est de l’assumer ! (et je ne préfère pas comparer cette fille à de grands esprits comme ces écrivains du XIXe siècle)

  2. Ton article est très chouette, si j’avais voulu m’exprimer là-dessus je n’aurais pas fait mieux tu as vraiment les mots exacts ! Le problème c’est que son livre est un pur produit marketing selon moi… Ça me fait penser aux biographies de Justin Bieber !

    1. Oui c’est exactement ça… Et pour l’anecdote, on raconterait que c’est la fille du grand patron de la maison d’édition Penguin qui aurait poussé son paternel à signer un contrat avec la YouTubeuse.

  3. Je te rejoins à 100% ! C’est le fait qu’elle n’ait pas été gonnête dès le départ qui est dérangeant, et quand on voit les ventes du bouquin, de la part de lecteurs qui pensaient vraiment lire un livre qu’elle a écrit, j’espère qu’elle a du mal à se regarder dans la glace aujourd’hui.. Même si finalement, tout ceci n’était qu’un calcul commercial bien pensé!

    1. Elle a publié un tweet disant qu’elle souhaitait se retirer un peu d’internet pour faire le point. Et oui, il fallait y penser avant, voilà le retour de bâton !

  4. Je n’aurais pas dit mieux… Effectivement, le problème c’est qu’elle ne dise pas ouvertement les choses et ce dès le début… En plus, comme tu dis, y a des auteurs qui méritent 100 fois plus d’être lus, qui ont suer et pris des mois et des mois pour écrire et ré-écrire leur livre, et qui ne seront que très peu lu car ils n’ont pas la popularité de cette fille ! Comme tu dis, c’est qu’une question d’argent, et de popularité, dommage !

    1. Et oui, malheureusement de trop nombreuses personnes tombent dans le panneau de figures comme elle, qui n’est pas isolée… Enfin on ne refait pas un monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Facebook
YouTube
Instagram
Pinterest
RSS
Follow by Email
%d blogueurs aiment cette page :