Amélie Nothomb, Le Crime du Comte Neville

JAQ_RL_130x200Amélie Nothomb, Le Crime du Comte Neville, éd. Albin Michel, 19 août 2015

Dans ce très court roman qui s’apparente presque à une nouvelle, Amélie Nothomb nous présente une haute société belge dans ce qu’elle a de plus absurde, auto-centrée sur elle-même et sur le qu’en dira-t-on. 

En bref : Le Comte Henri Neville « règne » sur un château dans les Ardennes belges. Appelé par une voyante des environs, il part chercher sa dernière fille, Sérieuse, qui aurait fugué. Arrivé sur place, la voyante lui révèle une prédiction qui va peut-être changer le cours de sa vie.

« Neville se leva, l’air de penser qu’il en avait assez entendu. La voyante le rejoignit et lui saisit la main en un geste d’enthousiasme, comme pour lui signifier qu’elle était de son côté, mais elle changea d’expression en lui touchant la paume.
– Vous allez bientôt donner chez vous une grande fête, dit-elle.
– En effet.
– Lors de cette réception, vous allez tuer un invité.
– Pardon ? s’écria le comte qui blêmit.
La voyante lâcha sa main et sourit.
– Rassurez-vous. Tout se passera à merveille. » (p. 11-12)

D’abord interloqué, Neville n’accorde aucune importance à ces sottises. Mais l’information fait quelque peu de chemin dans sa tête, et très vite, il en vient à sérieusement considérer d’assassiner l’un de ses convives. Quitte à ce que cette prédiction soit faite, autant qu’elle se réalise à la perfection. Si un invité doit mourrir, autant choisir celui qui le mérite le plus. Seul hic, comme une obsession pour le Comte : préserver sa réputation. Qu’importe le meurtre, si l’on cesse de le considérer en tant que tel après un acte pareil.

« Neville accordait une importance d’autant plus grande à cette ultime garden-party, où il entendait célébrer l’honneur familial pour la dernière fois en réjouissant ses hôtes. Ce n’était pas en assassinant l’un d’eux qu’il y parviendrait. » (p. 17)

Mon avis : Le Crime du Comte Neville est une brève nouvelle qui dépeint un portrait au vitriol de la haute société belge, de ses convenances, de son étiquette et de ses absurdités. Amélie Nothomb sait de quoi elle parle, puisque le personnage de Henri Neville, ne vivant que pour satisfaire les foules autour de lui, est fortement inspiré de son propre père, qui selon elle, recevait beaucoup trop de personnes chez eux durant son enfance.
On notera également la forte proximité entre Le Crime du Comte Neville et un autre roman, anglo-saxon cette fois, Le Crime de Lord Arthur Savile, d’Oscar Wilde. Dans ce dernier, un homme fait également l’expérience d’une prédiction selon laquelle il devra commettre un meurtre avant de pouvoir se marier.
Le Crime du Comte Neville dépeint toute l’absurdité de cette situation où un homme qui dit ne pas croire les élucubrations des voyants, tombe finalement dans le piège et en vient à planifier un meurtre dans ses moindres détails, sans aucun motif valable et uniquement pour que la prédiction se réalise à la perfection.
Le Crime du Comte Neville aborde également la question du paraître, du qu’en dira-t-on dans la sphère de la haute société. Amélie Nothomb met le doigt sur la notion d’étiquette. Qu’est-il acceptable de faire, bien au delà de la notion de bien ou de mal que nous avons en commun.

« – Tu as vu comme ce précédent donne envie de le suivre ? Il n’arrive que des horreurs au père infanticide.
– L’horreur, en effet, mais pas l’indignité. Si tu me tues au cours de la garden-party, tout le monde verra en toi un monstre, mais personne ne jugera ton acte ignoble, au sens étymologique du terme. L’infanticide, c’est abject, ce n’est pas impoli. Tu n’auras pas commis d’impair. On te connaîtra encore, ainsi que ta femme et tes enfants. » (p. 89)

Avec Le Crime du Comte Neville, Amélie Nothomb nous propose un récit digne de l’absurde, presque de la farce. C’est une lecture rapide, mais qui nous pousse à la réflexion sur un milieu social aux codes complexes.

Ma note :

Threestars1

Merci aux éditions Albin Michel de m’avoir permis de lire ce roman de la rentrée littéraire 2015.

(5) Comments

  1. J’ai trouvé ce roman hyper sympa, agréable à lire et c’est vrai, un peu loufoque aussi 😉

  2. Et Sérieuse, qu’en as-tu pensé ?

    1. J’étais de son côté au début, puis elle a commencé à me taper sur les nerfs 🙂

  3. Il ne m’a pas déplu…. Mais pas vraiment plu non plus….

  4. Personnellement, je n’ai pas vraiment aimé ce roman. Je suis d’accord avec toi pour le côté absurde mais j’ai trouvé que l’auteure allait soit trop loin soit pas assez loin dans l’enchaînement des événements. Merci pour ton avis en tout cas.

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